Dans cette interview, l’ancien sociétaire de l’USK Kita, transféré en 2017 à Salzbourg en Autriche aborde plusieurs sujets : la Bundesliga autrichienne, la pandémie de la Covid-19, la campagne de la dernière CAN et l’élimination des Aigles en huitièmes de finale. Au passage, il égratigne les responsables du football national
L’Essor : Le confinement est terminé et le championnat autrichien a repris. Comment vous sentez-vous ?
Sékou Koïta : Je me sens bien et je suis content de retrouver la pelouse. Pendant le confinement, j’avais un programme bien détaillé, comme tous les autres joueurs de l’équipe. Ce programme a été élaboré par l’entraîneur du club, Jesse Marsch. Chaque semaine, on avait un nouveau programme, chacun s’entraînait chez lui, mais tout en respectant les consignes de l’entraîneur qui vérifiait régulièrement l’état de forme de tout le groupe, à travers l’Internet.
Après le confinement, on a directement commencé l’entraînement collectif et l’entraîneur a constaté que tous les joueurs étaient en forme. J’avoue que le confinement n’a pas été facile, nous étions cloîtrés à la maison et il n’y avait aucune activité. Le pays m’a beaucoup manqué et je n’avais qu’une seule envie, rentrer pour souffler un peu. Mais bon, grâce au Tout-Puissant Allah, on a pu tenir et dès la reprise, nous avons remporté la coupe de l’Autriche. Cette victoire nous a fait oublier un peu la pandémie du coronavirus et le confinement.
L’Essor : Pourriez-vous nous parler de votre quotidien pendant la période du confinement ?
Sékou Koïta : Mon quotidien pendant la période du confinement ? Le confinement a complètement chamboulé mon quotidien. Hormis les heures d’entraînement, je ne faisais que dormir durant toute la journée. Après, je discutais avec mes autres partenaires du groupe et j’appelais régulièrement au Mali pour parler avec la famille. Les parents me donnaient toujours des conseils, ils me disaient de ne pas me décourager et que la maladie allait passer. Je jouais ensuite aux jeux de Playstation et souvent, c’était la télé. Malheureusement, la télévision ne parlait que de la Covid-19. Honnêtement, c’était difficile pour tout le monde et on ne souhaite plus revivre ça. Maintenant, on peut sortir librement, mais à condition de respecter les mesures barrières comme le port du masque qui est obligatoire pour tout le monde.
L’Essor : Vous avez remporté votre premier trophée en club, c’est-à-dire le trophée de la coupe d’Autriche. Quels commentaires vous inspire cette victoire, un an seulement après votre arrivée à Red Bull Salzbourg ?
Sékou Koïta : Je suis content, je n’ai pas les mots pour exprimer ma joie, parce que c’est mon tout premier trophée avec Salzbourg. Mon frère et ami, Mohamed Camara et moi avons fêté ça comme il se doit. Nous rendons grâce à Dieu qui nous a permis de remporter la coupe d’Autriche. C’est le résultat du travail et des efforts de l’ensemble de l’équipe que je félicite. Tout le monde a joué sa partition, les joueurs, les dirigeants et, bien entendu les supporters qui sont adorables.
L’Essor : La coupe d’Autriche acquise, Salzbourg a désormais le regard tourné vers le championnat. Comment voyez-vous la suite des événements ? Salzbourg peut-il réaliser le doublé coupe-championnat ?
Sékou Koïta : Pour nous, il faut remporter le championnat pour achever le travail. Nous avons déjà ramené un trophée à la maison, il ne reste que le titre du champion. S’il plaît à Dieu nous allons le soulever ce trophée du championnat pour terminer la saison en beauté. Salzbourg n’a besoin que de trois victoires pour être sacré et je ne vois pas qui pourrait nous empêcher de remporter le titre cette année. Notre objectif est de réaliser le doublé coupe–championnat et je pense que nous avons tous les atouts en main pour aller au bout du championnat. N’oubliez pas qu’il y a la Ligue des champions d’Europe derrière, une compétition qui fait rêver toutes les équipes européennes.
L’Essor : Selon vous quels sont les atouts de Salzbourg ?
Sékou Koïta : Les atouts de Salzbourg, ce sont d’abord les dirigeants de l’équipe qui sont très ambitieux et qui sont prêts à tout faire pour hisser le club dans le gotha européen. Le deuxième atout, c’est l’effectif de l’équipe qui est majoritairement composé de jeunes joueurs qui se donnent à fond, une fois qu’ils retrouvent la pelouse. Salzbourg ne vend pas beaucoup et presque chaque année, l’équipe achète un joueur. Je suis venu au club en prêt et mon intégration a été facile. Ici, joueurs et dirigeants travaillent main dans la main pour le bonheur du club. Il y a une bonne ambiance au sein du groupe qui contribue à l’épanouissement des joueurs. Je dois également dire que contrairement à plusieurs équipes du continent, il n’y a pas eu de baisse de salaire à Salzbourg pour atténuer les effets de la crise sanitaire.
L’Essor : Quelle est la durée de votre contrat avec Salzbourg et que comptez-vous faire à l’issue du contrat ?
Sékou Koïta : J’ai renouvelé mon contrat en décembre dernier, il court jusqu’en 2024. Les dirigeants sont contents de mon travail et tout se passe bien avec eux. Ce n’est pas pour me jeter des fleurs, beaucoup de clubs me suivent de près et sont déjà en contact avec mon agent. Le temps nous dira si je dois partir ou rester jusqu’à la fin de mon contrat. Ce que je compte faire après mon contrat, c’est rejoindre une grosse écurie européenne.
L’Essor : Il y a un autre Malien à Salzbourg, à savoir Mohamed Camara qui est arrivé au club un an après vous. Quelles sont vos relations ?
Sékou Koïta : Mes relations avec mon frère et ami Mohamed Camara sont excellentes, nous nous entendons bien. Ici, nous faisons beaucoup de choses ensemble, mon frère, Mohamed Camara est tout pour moi, il me conseille, je n’ai pas les mots suffisants pour le remercier. Sur le terrain aussi, nous sommes complices et je constate que depuis qu’il est là je marque plus de buts.
L’Essor : Parlons de la sélection nationale, les Aigles ? Beaucoup de supporters pensent que vous devez être titulaire dans cette équipe. Que dites-vous ?
Sékou Koïta : Ce que je peux dire aux supporters, c’est de comprendre les choix du technicien, Mohamed Magassouba que je salue. Je vais redoubler d’efforts pour que l’entraîneur puisse me faire confiance et me donner plus de temps de jeu. Les supporters doivent également comprendre que le fait d’être remplaçant ne signifie pas qu’on a des problèmes avec le sélectionneur. Pour moi, si je ne suis pas titulaire, c’est tout simplement parce qu’il me manque encore quelque chose. Je dois me battre pour avoir ce quelque chose. Mon jour n’est plus loin, je demande donc aux supporters d’être patients et de faire confiance à ceux qui sont aujourd’hui titulaires en sélection.
L’Essor : Lors de la dernière CAN, en Egypte, le Mali a été éliminé au deuxième tour, alors que la plupart des observateurs considéraient les Aigles comme faisant partie des favoris de la compétition. Selon-vous, qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Sékou Koïta : Pour moi, le Mali n’a pas eu la chance et l’équipe a manqué d’expérience. C’est tout. Avant le début de la CAN, beaucoup de pays comme l’Egypte, la Côte d’Ivoire, le Cameroun pour ne citer que ces sélections, avaient peur de nous et ne souhaitaient pas nous affronter en demi-finales ou la finale.
Après notre premier match contre la Mauritanie (4-1) et la qualité de jeu produit par l’équipe, tout le monde a dit que le Mali a l’une des meilleures équipes de la CAN. Pourtant, il y avait beaucoup de joueurs dans l’effectif qui participaient à leur première CAN. Nous avons passé le premier tour sans problème et c’est la Côte d’Ivoire qui se dressait sur notre chemin pour les huitièmes de finale. Les matches Mali-Côte d’Ivoire sont toujours difficiles, cela n’a pas commencé avec notre génération. Nous avons dominé le match et nous méritions de gagner sur l’ensemble de notre prestation. Seulement voilà, une seule action a suffi aux éléphants pour marquer et briser notre rêve. Ça, c’est l’expérience du haut niveau. On était très déçu, mais il faut tourner cette page et regarder vers l’avenir. Nous allons bien nous préparer pour pouvoir faire une bonne CAN en 2021 et tout mettre en oeuvre pour offrir la coupe à Ba-Maliba.
L’Essor : A votre avis, qu’est ce qui manque aujourd’hui à la sélection nationale pour prétendre au sacre continental ?
Sékou Koïta : Pour moi, s’il y’a aujourd’hui quelque chose qui manque à la sélection nationale pour remporter le trophée continental, c’est l’organisation. Depuis plusieurs années, les dirigeants du football sont à couteaux tirés et cela joue forcément sur les résultats des Aigles. Je ne mets pas en cause les compétences des dirigeants, mais il faut admettre qu’ils ne travaillent pas en équipe. Il faut que les dirigeants travaillent mains dans la main et mettent de côté leurs égos. Je suis désolé de le dire mais les querelles de personne des responsables du football ne nous facilitent pas la tâche. Ces dernières années, l’image du football malien a été ternie à cause du conflit qui a opposé les dirigeants et la crise n’est pas encore totalement terminée. Tous les footballeurs souhaitent voir les dirigeants travailler ensemble et j’espère de tout mon cœur que nos responsables vont s’entendre pour le bonheur du football national.
L’Essor : Les compétitions internationales, notamment les éliminatoires de la CAN 2021 et de la Coupe du monde 2022 devraient reprendre dans quelques semaines. La Fédération malienne de football a déjà fixé les objectifs à atteindre pour le sélectionneur national, Mohamed Magassouba : la qualification à la phase finale du Mondial et la victoire en Coupe d’Afrique des nations. Selon vous, l’équipe peut-elle atteindre ces deux objectifs ?
Sékou Koïta : Bien sûr, l’équipe peut atteindre ces objectifs. Avec la génération actuelle, le Mali peut se qualifier pour la Coupe du monde et remporter la CAN. C’est bien possible et nous devons y croire. Chaque joueur doit avoir des objectifs bien précis comme jouer le Mondial ou soulever le trophée de la CAN. Moi, j’ai eu la chance de joueur la Coupe du monde, mais dans la catégorie des jeunes. à l’instar de mes coéquipiers en sélection nationale, mon rêve est de participer à la Coupe du monde, c’est très important dans la carrière d’un joueur. Notre génération a un rêve commun : remporter la CAN et offrir au Mali son premier ticket du Mondial.
L’Essor : Votre ancien club, l’USC Kita réalise cette année l’une de ses meilleures saisons en championnat. Êtes-vous surpris de la prestation de l’équipe ?
Sékou Koïta : Je ne suis pas du tout surpris de la prestation de l’équipe pour la simple raison qu’en 2015-2016, l’USC Kita a émerveillé tout le monde, en gagnant tous ses matches à domicile. Je faisais partie de ce groupe et je pense que c’est la suite logique du travail qui a été réalisé lors de cet exercice. Les joueurs ont grandi ensemble, il y a une bonne ambiance au sein du groupe et les dirigeants font tout pour motiver les joueurs. Je suis content et fier du parcours de mes anciens coéquipiers et leur souhaite bonne chance pour la suite des événements. Je voudrai saluer le président de l’USC Kita, Abdoulaye Konaté qui a été plus qu’un président pour moi. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à lui. Il s’est toujours battu pour l’équipe et ne ménage, ni son temps, ni ses efforts pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions de travail.
L’Essor : Avez-vous un message pour les supporters maliens, notamment ceux de l’USC Kita ?
Sékou Koïta : Je salue tous les supporters maliens pour leur accompagnement. Je n’ai pas les mots suffisants pour les remercier, qu’ils continuent à soutenir la sélection nationale et à faire preuve de patience. J’espère que la crise sanitaire sera bientôt derrière nous et que nous allons nous retrouver pour les éliminatoires de la Coupe du monde et de la CAN, Cameroun 2021.
Interview réalisée par
Djènèba
BAGAYOKO
Source: L'Essor