La délégation ministérielle sur le site du fleuve Falémé
Situé dans le Sud-ouest du Mali, le Cercle de Kéniéba est très convoité par les compagnies minières et les étrangers à cause de la richesse de son sous-sol et de son climat. Depuis plusieurs décennies, on assiste à une ruée vers l’or dans cette localité de la Région de Kayes. Les zones aurifères du Cercle de Kéniéba sont envahies non seulement par les autochtones et les ressortissants des autres régions du Mali mais aussi, par les citoyens d’autres pays, dont le Burkina Faso.
Les placers de Tabadoula ou Tabakoto, de Kofing, Golea, parmi tant d’autres, sont devenus de véritables pôles d’attraction pour les gens qui sont à la recherche du précieux métal jaune. à longueur de journée, on entend des coups de pilon dans des foyers où des hommes et des femmes écrasent ces roches ou pierres afin d’obtenir de l’or.
Dès l’entrée de ces villages, on aperçoit des habitations de fortune comme des huttes faites de paille, de bâches ou de banco. Mais, le visiteur doit livrer une bataille contre la poussière soulevée par des engins lourds et légers (voitures, camions, motos et tricycles). Son attention est aussi subitement attirée par des gens, couverts de banco jaune ou rouge, s’adonnant à l’orpaillage. Certains sortent des puits ou mines d’or, tout couverts de poussière. Mais, le hic c’est que ces individus exercent leur activité dans l’illégalité, sans se soucier de l’impact environnemental. Certains se rendent même dans des cours d’eau pour chercher la fameuse pierre.
Lorsqu’on avance vers la Falémé, servant de frontière naturelle entre le Mali et le Sénégal, on ne peut que s’étonner devant un spectacle désolant : des dragues sont installés dans le lit de cet affluent du fleuve Sénégal. à bord, on y voit des individus qui extraient de l’or à l’aide d’une machine. Mais, leur action souille l’eau et contribue à la dégradation de l’environnement, d’où des tensions dans la zone.
Depuis quelques temps, la pratique de l’orpaillage clandestin commence à devenir un problème majeur sur le fleuve Falémé. C’est face à ces constats que la population a réagi à travers des posts de vidéos et images sur les réseaux sociaux. à cet effet, le ministre des Mines, de l’énergie et de l’Eau, Lamine Seydou Traoré, accompagné de ses collègues en charge de l’Environnement et de la Sécurité, ont visité jeudi dernier, le site d’orpaillage de B2 Gold dans le Cercle de Kéniéba. À l’entame de la visite, les populations de la zone ont montré leur mécontentement suite à la destruction par des citoyens d’autres pays, des sites d’orpaillage illégaux et de dragage.
Face à une telle situation alarmante, le ministre et ses collègues n’ont pas hésité à faire un tour sur ces sites incriminés. Surtout que ces installations menacent désormais toute la Falémé. Mesurant la gravité de la situation, ils ont décidé de lancer l’opération dénommée «Falémé dambé ani sanouko dambé». C’est vers 11h 20 minutes que l’avion transportant le ministre et sa délégation s’immobilisa sur la piste de l’aéroport de Kéniéba. Après de brèves salutations et entrevues avec les élus de Kéniéba, la délégation ministérielle a aussitôt pris la direction du site d’orpaillage de B2Gold pour des visites de terrain. Sur ce site, le directeur de la sécurité des biens, Lassiné Coulibaly, a montré au ministre des Mines, de l’énergie et de l’Eau, un champ solaire de plus 37MW qui vient de prendre feu tout récemment et qui alimente l’usine ainsi que toute la ville. D’après lui, des enquêtes sont en cours pour connaître les raisons et situer les responsabilités de ce drame.
Après la visite de ce champ solaire, alimenté par plus de 30.000 panneaux, qui sont tous partis en fumée, la délégation s’est rendue sur deux autres sites appartenant à des orpailleurs clandestins opérant dans le lit de la Falémé. Ces sites ont aussi été détruits par des individus qui ont pris la fuite, après avoir eu vent de l’arrivée du ministre. Le ministre Traoré a ordonné de saisir tous les matériels abandonnés sur le terrain. Son collègue de la Sécurité et de la Protection civile, le colonel Modibo Koné, a, de son côté, donné des instructions pour la protection de ces lieux.
Selon le patron du département des Mines, Lamine Seydou Traoré, ce qui se passe en termes de dragage est très inquiétant socialement et économiquement pour notre pays. «Nous avons voulu porter ce signal fort en venant à trois pour mener à bien cette nouvelle opération afin de lutter contre le dragage et l’orpaillage illégal. C’est une lutte de longue haleine que nous comptons mener jusqu’au bout», a assuré le ministre Traoré. Pour cela, il a invité la population de Kéniéba à une mobilisation pour le bien de tous. Pour que l’or brille davantage pour le Mali et surtout pour le Cercle de Kéniéba, il faut des actions de ce genre. Pour Lamine Seydou Traoré, la production illégale d’or n’est pas soumise à une étude environnementale, personne ne voit les retombées. Au-delà de cette lutte, il a expliqué qu’il faut que les populations travaillent légalement dans les mines, notamment dans les couloirs dédiés à l’orpaillage traditionnel. «Nous avons entrepris d’organiser ce type d’orpaillage pour le ramener dans le formel. Cela est important et des mesures sont prises qui seront matérialisées par l’adoption du nouveau code minier qui accorde une place de choix aux exploitants locaux», a-t-il soutenu
De son côté, la ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Mme Bernadette Keïta, a invité toute la population de Kéniéba à se donner la main vue la dégradation de la nature. «C’est bon de chercher de l’or mais, ce serait bien de le faire dans les normes. Or, malheureusement, aucune norme n’est respectée avec des équipements qui ne sont pas adaptés et on voit aujourd’hui le fleuve Falémé qui se meurt de jour en jour. L’heure est grave et il faut vraiment agir. C’est triste, ces images que nous voyons devant nous. Il est grand temps que la population nous aide : si on veut un Mali nouveau, c’est que l’on cherche aussi un Malien nouveau. Il faut que cet environnement soit vite restauré», a-t-elle soutenu.
Envoyée spéciale
Fadi Cissé
Source L'Essor