Cour d’assises : La peine capitale pour les terroristes (suite et fin)

À l’annonce de la sentence, les deux accusés sont restés sans réaction. Ils ont ensuite été conduits hors du tribunal par des agents des forces spéciales, cagoulés et menottés. Fawaz s’est plié à une question des juges qui voulaient savoir pourquoi il a porté son choix sur le Radisson Blu. Réponse claire de l’accusé : « Comme nous étions dans une guerre contre la France et ses alliés, c’est cela qui explique notre choix d’attaquer cet hôtel ». Dans la même logique d’idée Fawaz a laissé comprendre qu’il n’était pas satisfait des résultats obtenus après les opérations de la « Terrasse » et du « Byblos ». Donc pour avoir satisfaction, il leur fallait (lui et ses complices) attaquer un autre endroit censé abriter un nombre élevé de Français pour y faire le maximum de victimes. C’est ainsi que l’inculpé a dit avoir réfléchi à la façon dont il allait atteindre cet objectif de revoir le nombre de leurs victimes à la hausse. Pour ce faire, il a entamé des recherches sur le Net pour connaître le « Radisson Blu » en détails. Chose qui lui aurait permis, selon lui- même, de comprendre que cet établissement hôtelier est le numéro un (N°1) au Mali à tout point de vue. Ainsi, Fawaz a conclu qu’il est très probable que cet établissement abrite de nombreux Français, surtout avec la présence des éléments de la Minusma. A partir de cette analyse, l’homme a commencé à planifier son opération, après avoir reçu l’ordre de la hiérarchie qu’il renseignait au fur et à mesure qu’il a des informations à propos du Radisson Blu. Apparemment très à l’aise à la barre, l’inculpé a poursuivi ses sinistres explications détaillées. Il a ainsi évalué le coût de l’opération à 10.000 euros (soit 10 millions de francs CFA). Puis, il a clairement expliqué la façon dont il a partagé cette somme entre les éléments du groupe (des jeunes Kamikazes) qui a attaqué l’hôtel. Après cette sinistre narration de l’opération, le président de la Cour voulait comprendre comment ils achetaient leurs armes. Réponse sèche de l’accusé. « Nous les achetions avec l’argent des rançons obtenues à la suite des prises d’otages ». Visiblement satisfait des réponses données par Fawaz, le président de la Cour invitera son complice Sadou Chaka dit Oussama à se présenter à la barre. Tout comme son prédécesseur, lui aussi a paru apparemment très à l’aise sans le moindre signe d’inquiétude sur son visage. Une fois qu’il a pris la parole, il a confirmé les propos de Fawaz, son chef. « Tout a été dit par Fawaz. Je ne comprends pas français, mais je pense que ce qu’il a dit, c’est ça », a-t-il déclaré.En bon subalterne, Sadou a soigneusement évité d’en rajouter à ce que sa hiérarchie a détaillé à la barre. Visiblement pas satisfait de cette attitude de l’accusé, le président a insisté pour qu’il parle afin d’éclairer la lanterne de la Cour. C’est l’occasion pour lui de raconter sa vie et la façon dont il a fait connaissance avec Fawaz lorsqu’il était très jeune, selon lui-même. «Je cherchais du travail et j’ai fait la connaissance avec un certain Ibrahim. Celui-là même qui m’a introduit auprès de Fawaz ». Il a ajouté que ce même jour, ce dernier lui a confectionné une carte afin qu’il commence à travailler, moyennant une rétribution journalière. à la question de savoir quel genre de travail il s’agissait, l’accusé a répondu n’avoir exécuté que les ordres que lui donnait Fawaz. « On me demandait d’aller déposer ou d’accompagner des gens et je m’exécutais. Et puis c’est tout ». Pour confirmer cela, Fawaz précisera ceci quelques instants plus tard : « Sadou est sous mes ordres depuis l’âge de 16 ans. Je lui donne un ordre, il exécute, il n’a même pas le droit de demander pour comprendre quoi que ce soit ». En réalité tous ces détails étaient inutiles pour les jurés. Ces derniers attendaient que l’accusé parle de sa participation à l’attaque de l’hôtel, l’objet de sa comparution. Mais en aucun moment l’homme n’a fait mention de cela dans ses explications. Partant de là, les juges ont estimé qu’il était en train de noyer le poisson, en évitant soigneusement de faire allusion à sa possible participation dans les attaques. Or, il ressort dans l’arrêt de renvoi que c’est Sadou qui identifiait les lieux à attaquer, avant d’y acheminer les armes. Acculé par le flot de questions, l’accusé est allé jusqu’à dire qu’il a oublié certains détails des faits, suite au temps passé en détention. Trop simple pour convaincre les magistrats professionnels avec lesquels il avait à faire. Non convaincus du récit que l’accusé venait de faire, ils l’ont confronté à certaines déclarations antérieures. Histoire de lui rafraichir la mémoire. Ensuite ce fut au tour des parties civiles, pour la plupart employés à la « Terrasse », de se présenter à la barre pour témoigner. Comme il fallait s’y attendre, tous ces témoins ont chargé les inculpés. Ils ont relaté, chacun à sa manière, l’enfer qu’ils ont vécu la nuit où les faits se sont passés. Certains d’entre eux expliquent même avoir frôlé la mort cette nuit-là, cela par le seul fait des individus qui ont tiré sur tout ce qui bougeait à l’intérieur de l’établissement hôtelier. « Ils sont venus à bord d’un Taxi et ont commencé à tirer sur nous. La façon dont ils tiraient, cela ne nous donnait aucune chance de riposter », a témoigné, un vigile de l’hôtel, qui était de garde au moment des faits. Face aux jurés, les avocats des parties civiles ont insisté sur le caractère atroce, ignoble et inhumain de cette opération terroriste. De leurs avis, cet acte n’est autre que l’expression du dédain des inculpés pour leur prochain. Et, s’il faut croire les avocats, c’est cette attitude qu’ils ont défendue avec fierté et sans remords. Pour les conseils des victimes, il ne pouvait en être autrement, si ce n’est de plaider pour le maintien des accusés dans les liens de l’accusation. Le parquet que représentait Aboubacar Sidiki Samaké, par ailleurs juge antiterroriste, a fait un récit glaçant de cette opération sinistre des présumés terroristes. D’un revers de main, le magistrat a balayé toutes les justifications avancées par les présumés pour exécuter leurs lugubres opérations. « L’acte terroriste ne saurait avoir une quelconque justification », a-t-il dit, rappelant que des traités sont d’ailleurs signés dans ce sens. Aux inculpés, le magistrat a précisé que leur opération n’a pas coûté la vie qu’à des Occidentaux seulement comme ils prétendent le faire croire à la Cour. Aboubacar Samaké s’est adressé aux accusés un à un en spécifiant le rôle de chacun d’eux et en les qualifiants tels que la loi le dit. à Fawaz, le juge anti-terroriste dira que ce dernier a mûri son plan avant de le mettre à exécution. Donc un « acte prémédité ». Quant à son complice Sadou, le magistrat a détaillé la façon dont il s’est impliqué pour la bonne marche de l’opération, en apportant les armes de Gao à Bamako, mais surtout en conduisant les deux Kamikazes sur les lieux de l’attaque. Partant de tout cela, le juge a estimé qu’ils (les deux accusés) ont agi de concert, et surtout en connaissance de cause. Les conseils des accusés voyaient les choses autrement. Ils ont certes reconnu certaines des charges retenues contre leurs clients. Mais à un moindre degré. C’est pourquoi, ils n’ont pas hésité à qualifier les inculpés de « non dangereux ». « Ce sont les Blancs qui fabriquent les armes. Mieux, ont ajouté les conseils sans avoir la moindre preuve, ce sont eux qui donnent encore de l’argent pour l‘achat de ces armes de combat de ces mêmes terroristes ». Pis, les avocats sont allés jusqu’à faire croire qu’il y a une certaine entente entre les groupes terroristes et ces fabricants d’armes à feu. Les défenseurs des accusés ont tenté d’orienter les débats vers une situation qui semble plus complexe et qui sort du cadre même du procès. « Demandez à la France d’être équitable… C’est là, le problème. Gao nous a échappé aussi bien que Kidal. Quand la France va accepter de partager, il n’y aura plus de terrorisme », ont plaidé les avocats de la défense qui ont ajouté que leurs clients sont loin d’être des terroristes. « Ils ont juste défendu leur religion ». Vu tout ce qui précède, les avocats ont plaidé pour de larges circonstances atténuantes au profit de leurs clients. Et lorsque la Cour s’est retirée, c’était pour examiner une cinquantaine de questions qui ont résulté des débats. La suite est simple. Les deux hommes sont reconnus coupables. Et ils ne bénéficient d’aucune circonstance atténuante. Verdict : la peine de mort assortie du paiement d’une amende de 10 millions de francs CFA pour chacun des accusés. Un verdict conforme à la réquisition du ministère public. Quant au troisième prévenu Abdoulbaki Abdramane Maïga alias « Abou Mahamdoune » absent au procès, il a été jugé par contumace et a écopé de la même peine. à l’annonce de la sentence, les deux accusés sont restés sans réaction. Ils ont ensuite été conduits hors du tribunal par des agents des forces spéciales, cagoulés et menottés. Tamba CAMARA

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